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Libres pensées d'un mathématicien ordinaire Posts

Johannes Kepler (1571 – 1630)

Portrait de Johannes Kepler (1571 - 1630)
Johannes Kepler (1571 – 1630)

Je viens de terminer la lecture d’un intéressant récit de la vie de Johannes Kepler (1571 – 1630), intitulé Kepler : l’orbe tourmenté d’un astronome : biographie, écrit par le physicien Philippe Depondt et la journaliste Guillemette de Véricourt. Publié en 2005 aux Éditions du Rouergue, le texte est émaillé d’extraits des oeuvres de Kepler. On y découvre un Kepler mystique, religieux, passionné, mais aussi libre penseur et polémiste, imaginatif et infatiguable. Cet esprit exceptionnel a traversé une époque troublée par les guerres de Religion – réforme et contre réforme – et la guerre de Trente Ans. Il a eu accès aux meilleures observations astronomiques de son temps, celles de Tycho Brahe, et a su en tirer profit pour dépasser les modèles de Ptolémée, de Nicolas Copernic, et de Tycho Brahe, résoudre le mystère de l’orbite de mars posé par Brahe, découvrir empiriquement les trois lois astronomiques qui portent son nom et qui seront mécanisées plus tard par Isaac Newton (1642 – 1727). Kepler avait conscience de ne pas être bien compris par ses contemporains et de produire une oeuvre pour les générations futures. Kepler, profondément croyant, était persuadé d’explorer la beauté divine du monde. Il a par ailleurs tenté d’expliquer la configuration du système solaire à l’aide des cinq solides platoniciens, une approche qui n’a pas survécu au temps.

Kepler a également exploré l’optique, en précurseur des travaux de Willebrord Snell (1580 – 1626) et de René Descartes (1596 – 1650). Kepler l’astronome pensait la géométrie supérieure aux nombres, au moment où Descartes fusionnait les deux. Kepler a investi un temps considérable à produire des éphémérides, des thèmes d’astrologie, mais aussi des méthodes concrètes pour les poids et mesures. Contemporain de John Napier (1550 – 1617), il a produit lui-même des tables de logarithmes adaptées à l’astronomie. Il a correspondu avec Galilée (1564 – 1642), qu’il a à la fois défendu et tancé. Il a écrit un texte de science fiction sur les habitants de la lune pour vulgariser ses idées. Il a enfin sauvé sa mère d’un procès en sorcellerie qui l’aurait probablement menée au bûcher, mais elle décédera l’année suivante, à peine sortie de prison.

Kepler prend le temps d’écrire, dans certaines de ses œuvres, le cours de ses doutes, de ses errances, de ses erreurs, de ses enthousiasmes, et de ses déceptions. Tout chercheur se retrouvera dans les descriptions par Kepler du processus d’exploration et de création.

Kepler a aussi laissé son nom à une conjecture sur l’empilement de sphères, qui a été et reste encore la source de travaux remarquables en mathématiques, notamment ceux de Maryna Viasovska, médaillée Fields 2022. Le domaine est si ouvert qu’il fait peu de doute qu’il fera probablement l’objet principal de travaux de futurs médaillés (une phrase de probabiliste).

C’est avec émotion que j’ai lu ce récit sur Johannes Kepler. L’étudiant que j’ai été en première année d’université à Bab Ezzouar près d’Alger en 1991, en sciences exactes, a été émerveillé par l’énoncé des lois de Kepler, d’une force et d’une esthétique époustouflantes, obtenues par l’observation, l’acharnement, l’imagination, et l’audace. J’étais à l’époque encore plus attiré par la physique que par les mathématiques, et je n’avais pas étudié l’informatique ni utilisé d’ordinateur ou de calculatrice programmable : maigres points communs avec Kepler en quelque sorte ! Je dois d’ailleurs remercier ma grand mère maternelle pour m’avoir offert, peu de temps après, ma première calculatrice programmable, qui a initié une véritable passion pour l’informatique.

Les procès en sorcellerie existent encore de nos jours, y compris dans les pays développés, ils ont lieu à présent sur le plan symbolique et social, mais peuvent conduire à la mort physique. De même, l’astrologie est toujours aussi florissante de nos jours, et pas seulement dans les magazines de divertissement. On la trouve notamment, sous une forme sournoise, dans un certain nombre de modélisations quantitatives douteuses qui se drapent de science pour faire sérieux, et ce phénomène dépasse aujourd’hui largement les sciences humaines et sociales.

Johannes Kepler est également contemporain de Thomas Platter (1574 – 1628), abordé ici.

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