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Libres pensées de début d’année

Mise au bûcher de l’hérétique Giordano Bruno (1548 – 1600), sur la place des Fleurs à Rome, le 17 février 1600

Consensus et paradoxes. Pour mieux comprendre son époque, il semble indispensable de s’intéresser particulièrement aux consensus, surtout ceux mis en avant par les puissants, et tous ceux qui les suivent, et donc, symétriquement, aux hérétiques et iconoclastes. C’est souvent là que se trouvent des paradoxes et des controverses intéressants et excitants intellectuellement, mais aussi importants socialement et philosophiquement. Il suffit pour s’en convaincre de prendre le temps d’examiner l’histoire, de lire ce qui a déjà été écrit sur les sujets historiques froids et distants. Se méfier des évidences communautaires, à commencer par sa communauté d’appartenance. La puissance des dogmes est importante, tandis que la vérité est un concept fluctuant, composite, relatif plutôt qu’absolu. Quels sont les sujets actuels les plus concernés ? Et bien, pêle-mêle, le libéralisme, l’immigration, l’éducation, le féminisme, l’écologie, le climat, la santé, le covid-19, la crise ukrainienne, etc. La médiocrité et le conformisme sont présents partout, y compris au sein de l’élite intellectuelle, culturelle, universitaire, scientifique, ou médiatique. Ceux qui pensent différemment, et qui ne sont pas si rares, n’osent pas toujours s’exprimer, tant il peut régner un terrorisme intellectuel, une inquisition, un macchartysme généralisé. La médiocrité et le conformisme des puissants pèsent sur la domination sociale, et alimentent des défiances envers les élites, avec tous les excès imaginables. Domination, confiance, conformisme, hypocrisie, et injustice sont des sujets importants. Mais le changement d’avis est rendu difficile par sa pénalisation sociale et par l’amour propre, et cela est bien humain. Se dédire n’est pas à la portée de tous, perdre la face fait peur. Le manque de courage, l’entêtement, voire l’aveuglement donnent du temps à la médiocrité, et façonnent l’histoire. Pourtant le rôle social des élites intellectuelles peut aussi être celui de démocratiser l’analyse dialectique, la relativité, la complexité, l’incertitude, l’ambivalence, la nuance, le dépassement du manichéisme, de l’esprit religieux. Plutôt que de chercher à avoir raison, de viser LA vérité, absolue, rassurante, unique, et éternelle, pourquoi ne pas prendre le temps de ne pas être des marchands de certitudes ?

Faut-il défendre les salauds ? Défendre la veuve et l’orphelin est à la portée de tout le monde. Défendre les salauds est plus difficile, mais semble indispensable. D’où vient ce salaud, quels sont ses rapports avec l’humanité, sommes-nous si différents ? La justice et la morale sont-elles synonymes ? Dans la même rubrique, faut-il lire les salauds ? Peut-on apprécier l’œuvre d’un salaud ? Et plus simplement, la morale a-t-elle sa place partout et avant tout ? Le grand écrivain américain Philip Roth (1933 — 2018), qui a subi bien des procès symboliques sur le sens de ses œuvres, disait à ce sujet que la littérature n’était pas un concours de morale. Continuons donc à lire Céline, Houellebecque, et d’autres, à apprécier leurs œuvres littéraires. Le bien et le mal sont souvent entremêlés, et les analyses machichéennes peuvent tout à fait rejoindre voire dépasser en bêtise ce qu’elles visent à dénoncer. Mais chacun est libre d’avoir tort avec Jean-Paul Sartre plutôt que raison avec Raymond Aron, pour paraphraser Jean Daniel. Les salauds d’hier ne sont pas forcément les salauds d’aujourd’hui, ceux des uns ne sont pas forcément ceux des autres.

Quelques œuvres hérétiques récentes et variées pour nourrir l’esprit.

One Comment

  1. Chafai Houria 2023-01-17

    Bien apprécié tes rélexions utiles en ces temps de misère intellectuelle…
    Dommage que la diffusion de ce billet soit restreinte.
    Houria Chafai.

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