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Lutte des classes et domination sociale

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Voici deux thèmes à propos de certaines attitudes paradoxales :

  • Salaires des universitaires. Le pouvoir d’achat des universitaires n’a cessé de se dégrader depuis plusieurs dizaines d’années. Malgré une revalorisation récente, les salaires des maîtres de conférences – et des chargés de recherches – débutants restent particulièrement bas au regard de leur haut degré de formation et de la difficulté du concours auquel ils ont réussi. Le moindre diplômé d’un bon M2 ou d’une grande école gagnera autant ou plus, immédiatement ou assez rapidement. Cela commence à avoir un impact sur les recrutements en région parisienne et pour les étrangers les plus brillants. La situation a peu de raisons de s’améliorer dans les années qui viennent, car bon nombre d’universitaires pensent qu’ils sont trop payés, qu’il font déjà partie des mieux payés dans la population, que leur salaire est indécent étant donné leur liberté, voire que les salaires devraient être tous les mêmes dans une société idéale. Tout cela accompagne lentement mais sûrement une tendance générale de dévalorisation de plus en plus marquée du métier d’universitaire dans la société, surtout dans les classes populaires. Mais après tout, peu importe, car voilà déjà des années que les classes populaires ne produisent plus vraiment d’universitaires. À l’opposé, dans certaines disciplines, les universitaires arrondissent leurs fins de mois en monnayant leur expertise dans le secteur privé.
  • Évaluation pédagogique. En mathématiques comme dans d’autres disciplines, les activités de recherche des enseignants-chercheurs sont évaluées et cela est bon pour la recherche. Les activités d’enseignement sont également évaluées dans bon nombre d’établissements prestigieux, comme par exemple à l’École Polytechnique, et cela est bon pour la formation des élites. En revanche, à l’université, les activités d’enseignement sont peu ou pas évaluées. Mais après tout, peu importe, car les étudiants des universités ne font pas vraiment partie des élites (sauf peut être dans certaines disciplines comme le droit et la médecine). Tout se passe comme si une dévalorisation de l’université était intégrée dans les esprits et les attitudes, à l’insu des acteurs eux-mêmes. Il est bien naturel de relier tout cela à un phénomène de domination sociale et de reproduction des dominants. En mathématiques comme dans d’autres disciplines, l’essentiel des universitaires ne viennent pas de l’université et ne souhaitent pas y mettre leur enfants. D’autre part, un système de promotion juste nécessiterait une évaluation des enseignants et des chercheurs, et non pas seulement des enseignements et des recherches. Nous le faisons déjà pour la recherche, mais nous avons grand peine à le faire pour l’enseignement.

 

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