Un collègue m’a signalé un billet controversé sur Image des Mathématiques intitulé « Quelques questions de nature statistique liées au débat sur le climat ». L’auteur du billet y fait part de ses doutes sur le dogme ambiant autour du réchauffement climatique. Comme Claude Allègre, il fait partie de l’Académie des Sciences, et suscite depuis de nombreuses années un certain nombre de controverses, pas seulement liées au climat.
Mais que penser du réchauffement climatique, de sa cause humaine supposée, de son ampleur, et des remèdes ? Peut-on sérieusement proposer des certitudes sur des questions aussi complexes ? Il faut dire que le mythe du quantitatif a envahi les sciences depuis bien longtemps, à grand coup de modèles mathématiques, d’informatique, et de statistique. Les sciences de la terre ne font pas exception. Ce mythe du quantitatif rentre aujourd’hui en résonance avec les préoccupations légitimes de nature écologique des citoyens. Les sceptiques sont parfois taxés de négationnistes-climatiques-anti-écologistes (sic).
Se faire une opinion sur des phénomènes si complexes est difficile. Le recul permettra sans doute d’y voir plus clair sur le plan scientifique. En attendant, on peut bien sûr s’en remettre aux experts. On peut aussi douter de la crédibilité de ces sciences hautement quantitatives, lorsqu’elles prétendent obtenir des certitudes. On peut douter de l’échafaudage et de tout ce qu’il porte, sans remettre en cause les fondements physiques bien établis. Le manque de modestie de ces scientifiques de tous bords, devenus marchands de certitudes, est sidérant, et les fantasmes de certains militants le sont tout autant. A-t-on vraiment besoin d’avaler le dogme climatique pour changer les sociétés humaines ?
On pourrait définir le mythe du quantitatif comme étant l’idée selon laquelle une analyse quantitative au moyen de modèles mathématiques rend les conclusions qui en sont tirées absolument indiscutables. La physique offre de beaux exemples de réussites des mathématiques appliquées, mais aussi de faillites des mathématisations trop simples. Il faut parfois beaucoup de temps pour trier le bon grain de l’ivraie. Les tenants des thèses climatiques les plus pessimistes rétorquent que les sceptiques ne seront plus là pour avoir raison et qu’il faut prendre une décision. C’est le point de départ du principe de précaution.
Les sociétés développées se préoccupent de plus en plus du bien être et de l’environnement. La quantification des risques est présentée comme une réponse décisionnelle aux angoisses engendrées par ces préoccupations. Elle se nourrit du mythe du quantitatif et pose des problèmes méthodologiques importants. Parallèlement, le monde médiatique et politique réclame à la science des vérités, un discours facile à prêcher face aux peurs du moment. Malheureusement, les vérités scientifiques sont d’autant plus rares que les phénomènes sont complexes. Destinées à être sans cesse questionnées, elles ne s’obtiennent pas en faisant voter des experts une bonne fois pour toute. Cependant, bien que le principe de précaution soit la source de fiascos retentissants, il peut aussi agir comme rempart face aux appétits mercantiles de multinationales sans scrupules. Pourquoi ne pas remettre en question directement cette toute-puissance du profit ?
Le debat sur le site n’est plus possible
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Quelques questions de nature statistique liées au débat sur le climat
le 1er octobre à 11:07, par Aurélien Alvarez
Le comité de rédaction d’Images des Mathématiques a décidé de fermer ce forum. En effet, il considère que les arguments des uns et des autres ont pu s’exprimer et qu’il ne semble pas utile de prolonger ici le débat. Merci pour votre participation.
Le comité de rédaction se réserve le droit de modérer votre commentaire (par exemple s’il estime qu’il n’a qu’un lien très éloigné avec l’article auquel il est attaché, ou si le ton employé n’est pas adapté à un débat serein).”
Ça ne m’étonne pas ! On m’a signalé un texte intéressant sur la question.
Salut Djalil,
je vois que cette question t’interpelle beaucoup ces derniers temps.
Il ne me semble guère étonnant que le débat publique, qui a une forte implication politique, soit aussi passionnel. Nous nous sommes hélas habitués à ce que les rhéteurs politiques soient plus animés par l’ambition de démontrer qu’ils ont raison (quel que soit leurs idées) plutôt que par le soucis de se demander s’ils ont raison (ce qui est par ailleurs un frein à l’action).
Ce que je trouve plus regrettable c’est l’inexistence d’un débat “scientifique” dépassionné. Je n’ai lu à ce jour aucune analyse qui me semblait “objective”: les erreurs se comptent dans les deux camps, mais à chaque intervention seul l’un des deux camps est montré du doigt selon le penchant “rechauffiste” ou “climato-sceptique” de l’auteur. L’honnêteté intellectuelle ne semble pas être une valeur climato-compatible. L’article de Deheuvels n’échappe pas à cette règle, même si par chance son ton est moins véhément qu’à son habitude.
Indépendamment de ce biais, je ne suis pas très fan de ce genre de papier (celui de Deheuvels): je n’apprécie guère les déclarations sentencieuses et condescendantes dont les mathématiciens sont les spécialistes envers leurs collègues biologistes, écologues, physiciens, etc. Leur très haute opinion personnelle les conduits à émettre des jugements définitifs sur des sujets qu’ils connaissent mal (tout en pensant en savoir plus que les spécialistes du sujet) et à considérer pour nul tout le corpus des connaissances empiriques. C’est très sains de critiquer une analyse statistique bancale, mais avant de se lancer dans cet exercice, il me semble indispensable de s’approprier en profondeur le sujet.
Ca serait bien de sortir aujourd’hui “par le haut” de cette confrontation stérile. En gros, il me semble que les questions qui se posent sont:
– la validité des modèles,
– la validité des analyses statistiques.
C’est pas sûr qu’on ait les moyens (et surtout les données) pour répondre à ces 2 questions, cependant ça serait bien qu’une équipe de statisticiens sérieux (et honnêtes) se penchent un jour sur ces questions pour apporter des éléments de réponse. Ca serait plus productif que les gue-guerres stériles auxquelles on assiste.
Concernant le fond du problème – à savoir l’éventuel réchauffement lié aux émissions anthropiques de gaz à effets de serre – voici ce que j’ai cru comprendre au fil des discussions. Un faisceau d’indices semblent indiquer un réchauffement rapide de l’atmosphère (migration rapide de plantes / animaux vers le nord, fonte des glaciers et de la banquise, relevés de températures, etc). Actuellement, la seule explication plausible de ce réchauffement est la forte augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. La dynamique de ce réchauffement est difficile à cerner (rétroactions dans tous les sens) même si l’essentiel des mécanismes physico-chimique sont connus. Aujourd’hui, les modèles numériques sont ce qui se fait de mieux en terme d’intégration de ces connaissances, mais leur validité en terme de prédiction est hypothétique. Vu les nombreux échecs de prédiction par des modèles numériques (par exemple en écologie, économie, etc), ces modèles sont probablement plus des outils pour essayer de mieux comprendre ce qui se passe que pour prédire un résultat (avec intervalle de confiance!).
Enfin, je rejoins ton point de vue concernant le mythe du quantitatif et la prise de conscience chez certains que la thématique “climato-écologique” est l’outil idéal pour tordre le coup au “Chicago-capitalisme”.
@+
Ch.
Salut Christophe,
le recul va permettre d’y voir plus clair sur le plan scientifique. En attendant, il s’agit surtout de politique. Pour ma part, c’est plutôt l’aspect sociologique et épistémologique que je trouve le plus excitant intellectuellement.
Djalil.
“Pour ma part, c’est plutôt l’aspect sociologique et épistémologique que je trouve le plus excitant intellectuellement.”
hé hé, je te reconnais bien là!
en même temps les comportements sont très prévisibles non?
Le mythe du quantitatif me semble actuellement puissant : les mathématiques n’ont jamais été autant présentes dans les sciences qu’aujourd’hui, grâce à l’informatique. Il y a aussi la sociologie des courants de l’écologie. J’ignore si on peut prévoir l’avenir de ces phénomènes, mais je trouve leur analyse passionnante. La philosophie des sciences et les sciences humaines ont du pain sur la planche !