Curieusement, les universitaires français parlent relativement peu de l’accord commercial anti contrefaçon ACTA signé par plusieurs États récemment. Il s’agit pourtant d’un grand danger, pesant, au nom du profit, sur toute la production culturelle non marchande. Les marchands n’ont jamais été aussi puissants, et ils ne cessent d’imposer leurs dogmes aux démocraties.
À travers les âges, les marchands ont joué un rôle de passeurs entre les peuples, favorisant la diffusion de tout ce qui fait les cultures humaines, religions comprises. Mais depuis la fin du siècle dernier, l’apparition d’Internet et des outils de télécommunication numériques a permis un contact plus direct inédit entre les producteurs de culture et d’information et leurs récepteurs. Cette révolution électronique menace certains marchands comme les éditeurs, mais en suscite d’autres comme les fournisseurs d’accès. Le rôle culturel des marchands est moins important aujourd’hui, et leurs pratiques en deviennent socialement nuisibles.
C’est dans ce contexte que Richard Matthew Stallman (rms) a visité la France récemment. Son discours est toujours aussi absolu, polarisant. Sa pensée libertaire de gauche bien mûrie fait parfois sourire mais ne manque pas de charme. Pour rms, les œuvres numérisées gagnent à être copiées, pourvu que le nom du créateur soit conservé. Selon lui, les créateurs devraient être rémunérés directement par ceux qui apprécient leurs œuvres, et c’est ceux qui donnent qui décident combien donner(*). La copie permet la grande diffusion, et le réseau permet la rémunération directe. Internet permet de développer cette liaison directe entre les créateurs et leur public, tandis que des marchands, rendus inutiles, font tout pour tuer dans l’œuf cette révolution. D’autres marchands, plus avisés, tentent de construire leur activité lucrative autour de cette révolution, avec tous les excès dont la cupidité est responsable.
Il va sans dire que rms considère que les pratiques des sociétés comme Apple, Facebook, Google, et autres very-big-brothers numériques sont néfastes. Cependant, Google par exemple est contre ACTA et participe au développement du logiciel libre (noyau Linux, Python, …).
(*) c’est par exemple le mode de financement de Wikipédia, un grand succès d’Internet.
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