Si le wokisme est un concept flou pour vous, sachez que plusieurs esprits de tous bords ont pris le temps de le décrire et de l’analyser, cf. ci-dessous pour quelques références de gauche. Les nourritures intellectuelles de bonne qualité sont rares. Il ne faut pas compter sur les médias dominants, dont la médiocrité éditoriale tous azimuts est plus la règle que l’exception, à gauche de Le Monde à Mediapart, en passant par Libération. Cette faiblesse médiatique n’est pas une nouveauté, actrice depuis toujours d’un grand théâtre symbolique, marchand de certitudes, plus manichéen que nuancé, générateur de consensus. La notion de consensus, relative à une communauté, produit de la pensée dominante, et sa défense conduit trop souvent à exclure les esprits critiques, à les diaboliser, à les délégitimer. Sur les questions sociétales et politiques, l’encyclopédie mondiale Wikipédia illustre ces phénomènes, et son accumulation historique constitue une mine pour les sciences humaines et sociales du présent et surtout du futur.
Si le wokisme est un concept flou pour vous, c’est que vous n’avez sans doute pas le temps d’approfondir, vous n’avez pas le temps, la curiosité, ou la volonté de lire et de réfléchir à ces questions, alors même qu’elles concernent vos enfants et ceux de vos proches. Vous avez donc tendance à faire confiance à des références, à des institutions fiables. C’est là que vous cessez d’être intellectuel, c’est précisément là que s’installe le conformisme, le suivisme, la superficialité, l’argumentaire d’autorité, la délégation de pensée. La conviction d’être dans le camp du bien, du côté de la vérité et de la morale, enferme dans des certitudes. Les certitudes sont rassurantes, et c’est précisément le fond de commerce de toutes les religions, de tous les embrigadements.
Le wokisme nous vient des États-Unis, et pour un certain nombre de communistes américains, il s’agit d’un progressisme devenu fou, d’une maladie de la gauche de nature religieuse, d’une tartuferie nombriliste de dominants socio-culturels (et des dominés qui les suivent). Sur le plan intellectuel, le wokisme, bâti sur des impostures, serait ainsi à la gauche ce que la malbouffe est à la gastronomie. Nombreux sont les universitaires qui n’en pensent pas moins mais qui ne s’expriment pas, par peur des conséquences, et ceux qui osent s’exprimer sont souvent les plus anciens, car ils n’ont rien à attendre socialement. Pour paraphraser Raymond Aron, le wokisme semble être le nouvel opium d’une gauche radicale, sociétale, qui tourne le dos au social, à la recherche d’un nouveau souffle militant. Mais cet opium est d’une qualité douteuse, et il n’y a pas de raison de laisser sa critique à la droite, les enjeux pour la société sont assez importants.
- Jean-François Braunstein
La religion woke
Essais et documents, Grasset, 2022 - Jean-François Braunstein
Les dangers du wokisme
Institut Diderot, conférence présentée par André Comte-Sponville, 2023 - Nathalie Heinich
Le Wokisme serait-il un totalitarisme ? L’enfer woke est pavé de bonnes intentions
Albin Michel, 2023 - Nathalie Heinich
Ce que le militantisme fait à la recherche
Gallimard, Tracts n°29, 2021 - Pierre-Henri Tavoillot
Le wokisme ou le progressisme devenu fou
Administration 2022/1 n°273, 63-66 - Daniel Bernabé
Le Piège identitaire – L’effacement de la question sociale
L’Échappée, 2022, traduit de l’espagnol - Helen Pluckrose et James Lindsay
Le triomphe des impostures intellectuelles – Comment les théories sur l’identité, la race, et le genre gangrènent l’université et nuisent à la société
H&O Éditions, 2021, traduit de l’anglais américain, avec une préface d’Alan Sokal - Andrew Doyle
The New Puritans: How the Religion of Social Justice Captured the Western World
Constable & Robinson, 2022