Cette année de crise aura au moins apporté du temps à certains. C’est ainsi que j’ai pu lire encore plus souvent qu’à l’accoutumée. Voici quelques lectures en rapport avec l’actualité :
- L’année du lion, de Deon Meyer, un roman facile à lire et divertissant, à la Robert Merle.
- La Vie et l’Œuvre de Philippe Ignace Semmelweis. Il s’agit de la thèse de médecine de Louis-Ferdinand Céline, le grand écrivain auteur de Voyage au bout de la nuit. À lire absolument ! Les mécanismes psychologiques, sociologiques, et tragiques au cœur des humains qui font la science y sont bien décrits. Combien de Semmelweis petits et grands ont été dévorés dans ce grand théâtre de l’indigence ? La revue Pour la Science aborde l’histoire similaire du physicien Christian Doppler connu pour son fameux effet. D’après Félix d’Hérelle, Louis Pasteur pensait que « Chaque découverte passe par trois phases : on dit d’abord Ce n’est pas vrai, puis Ce n’est pas lui, puis C’était si simple que n’importe qui pouvait le trouver. », et cette analyse psychosociale est très probablement plus ancienne.
- Dictionnaire amoureux de Montaigne par André Comte-Sponville. Un dictionnaire à picorer régulièrement, comme de petites pépites de méditation. Michel de Montaigne est bel et bien un personnage intellectuel captivant, d’une modernité étonnante, qui aura du reste connu la peste et les guerres de religions. Comte-Sponville a par ailleurs le cran d’aborder publiquement les questions éthiques de notre époque, en lien avec la pensée de Montaigne, dans une perspective culturelle, historique, et philosophique, notamment notre rapport à la mort et à la fin de vie, et le pan-médicalisme qui ravage nos sociétés. Il se trouve que le scientifique et ingénieur Jean-Marc Jancovici fait une analyse assez proche sur la question de la technicisation de la mort. S’il nous faut prendre acte de l’évolution de la pyramide des âges, il nous faut aussi revisiter en profondeur les questions du natalisme et du malthusianisme. Si l’humanité en tant qu’espèce n’est probablement pas menacée, les destins individuels présents et futurs posent question.
- Tract Gallimard N°21 – Quand la psychose fait dérailler le monde de Renaud Girard et Jean-Loup Bonnamy. Malgré quelques faiblesses, une analyse courageuse, décapante, et plutôt bien écrite de la situation, au-delà des conformismes habituels. Le mimétisme international, la peur, la dramatisation, le sensationnalisme, la surréaction, la psychose, la démagogie, le principe de précaution, l’aversion au risque, l’infantilisation, la victimisation, la culpabilisation, le contrôle social, le manichéisme, la désinformation, le dogmatisme, les coûts et les bénéfices, l’impact psycho-social et socio-économique, la médiocrité intellectuelle, etc.
- Des animaux et des hommes, dirigé par Alain Finkielkraut. Ce livre d’entretiens tirés de l’émission radiophonique Répliques aborde quelques aspects du vaste et passionnant thème du rapport aux animaux, pour ceux qui ont été plongés dans un abîme de réflexion suite à l’élimination (et au déterrement !) express de millions de visons danois.
- Pour ceux qui n’aiment pas vraiment lire, mais qui aiment réfléchir, l’expérience de Stanley Milgram vaut le détour, ainsi que sa version modernisée sous forme de jeu télévisé (vidéo). Dans la même veine, ne pas manquer également l’expérience de Solomon Asch ainsi que celle de David Rosenhan. Dans un autre registre, aux origines de la microbiologie, de l’immunologie, et de la vaccination, la rivalité entre Robert Koch et Louis Pasteur, passionnée et passionnante, pleine de complexions humaines, a fait l’objet d’un documentaire tiré d’un livre. Dans la même veine, Félix d’Hérelle et la phagothérapie (vidéo).
Pour ma part, je me suis modestement dit, en mars 2020, que les mesures imposées à la population étaient trop peu ciblées, puis début mai 2020 qu’on avait sacrifié la jeunesse au profit de la vieillesse, qui est morte quand même. L’attente un peu bébête des vaccins pour sauver le monde m’a semblé passer à côté des sujets de société importants comme le rapport à la mort et à la fin de vie. Mais je me suis bien vite rendu compte de la très faible acceptabilité sociale de ces pensées, y compris à l’université, et qu’il fallait du temps pour une digestion collective. À ce jour, je n’ai pas changé d’analyse. Par ailleurs, sur le plan professionnel, j’ai pris le temps de m’exprimer, en tant que mathématicien, sur la modélisation mathématique et sur l’analyse quantitative. Les mathématiciens sont trop peu nombreux à questionner leur discipline.
Pour terminer, et à propos d’année misérable, connaissez-vous l’histoire de l’année sans été ?
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