Dans leur fameux livre Impostures intellectuelles, publié en 1997, les physiciens mathématiciens Jean Bricmont et Alan Sokal dénoncent l’usage abusif des termes et concepts scientifiques en dehors du champ scientifique, par des esprits parfois fort célèbres comme le psychiatre psychanalyste Jacques Lacan. Ce livre polémique mais salutaire a mis en lumière un phénomène d’ampleur. Cependant, l’imposture intellectuelle est, sous une forme ou sous une autre, présente dans la plupart des communautés, y compris dans celle des mathématiciens. Dans la littérature probabiliste par exemple, on ne compte plus le nombre de « transitions de phase » qualifiant un simple phénomène de seuil. Emprunter un terme d’un autre domaine qu’on maîtrise mal pour tirer partie de son aura est un procédé très répandu. Ainsi, il arrive fréquemment que les mathématiciens utilisent l’aura de termes empruntés à d’autres disciplines, ou même l’aura de termes empruntés à une partie plus prestigieuse des mathématiques. D’autres préfèrent au contraire utiliser les termes les plus simples pour laisser s’exprimer naturellement la beauté et la force d’un concept. Malgré tout, la séduction intellectuelle est aussi faite d’emprunt et d’analogie, au service du sens toutefois.
Note. Jean Bricmont fait partie de ces scientifiques intellectuels, une espèce menacée mais vivace.
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