Quelques réflexions synthétiques sur la réforme des universités françaises :
- L’ascenseur social méritocratique nécessite à la fois de l’élitisme et de l’égalitarisme
- La réforme Pécresse s’attaque peu aux tares structurelles du système
- Les ingénieurs français sont issus de grandes écoles et ignorent tout de la recherche
- Déplacer les prépas et leur moyens des lycées vers les universités dans un L repensé
- Remplacer la sélection darwinienne du L par une véritable sélection à l’entrée du M
- Unifier le statut des universités et des grandes écoles, mieux financer les universités
- Augmenter le nombre de supports IUF pour encourager les chercheurs
- Remplacer les emplois précaires (hors ATER) à l’université par des supports PRAG
- Développer les systèmes de bourses et de prêts étudiants (public ou semipublic)
- Remplacer la liberté d’inscription quelque soit le bac par des parcours à passerelles
- Mettre en place une évaluation des enseignements et des enseignants
- Rendre les conseils scientifiques et pédagogiques maîtres du recrutement des pairs
- Dans la même veine, la pétition Refonder l’université (mai 2009)
- “If you think education is expensive, try ignorance” Bok Derek
- “The reasonable man adapts himself to the world; the unreasonable one persists in trying to adapt the world to himself. Therefore, all progress depends on the unreasonable man.” George Bernard Shaw
Un frein à ces propositions est constitué par les rétrogrades et conservateurs de droite et de gauche. Certains préfèreraient que l’état se désengage de l’Université et soit remplacé par des capitaux privés, tandis que d’autres, enseignants et/ou chercheurs à l’Université, refusent la sélection à l’Université, mais font tout pour que leurs enfants empruntent les filières sélectives hors Universités. Les filières sélectives sont complexes et ne jouent plus leur rôle de promotion sociale. Elles sont surtout pleines d’enfants d’enseignants qui connaissent les ficelles du système. Ce qui est proposé ici est totalement différent, et ressemble à ce qui existe dans certains pays plus avancés.
Le bazar schizophrène qui règne en France est unique au monde. On pourrait rêver mieux en matière d’exception culturelle et sociale. Dans la plupart des pays, développés ou non, l’essentiel de l’enseignement et de la recherche après l’équivalent du bac se trouve dans les Universités. Certaines sont plus prestigieuses que d’autres. Elles pratiquent toutes une sélection à un moment ou à un autre dans les parcours. Sélectionner ne signifie pas exclure du système.
J’affirme que l’élitisme et la promotion sociale doit se trouver à l’Université, et que les grandes écoles doivent devenir des Universités. Les classes préparatoires gagneraient à quitter les lycées et à être absorbées par les Universités, en conservant leurs moyens. La mentalité des ingénieurs français en serait transformée. Un certain nombre des enseignants des classes préparatoires constituent une sorte de bourgoisie des lycées, et gagneraient à s’ouvrir l’esprit. L’esprit de la recherche est celui du questionnement et de la curiosité. Parallèlement, nombreux sont les enseignants des classes préparatoires qui souhaiteraient poursuivre une activité de recherche, mais qui ne le font pas, par manque d’environnement propice et de prise en compte dans leur évaluation. Former les ingénieurs dans les universités permettrait également de marginaliser la méfiance voire la diabolisation de l’industrie et des entreprises par un certain nombre d’universitaires étroits d’esprit.
Les discussions que j’ai avec des collègues chercheurs et enseignants me montrent à quel point les mentalités sont difficles à changer sur ces questions. J’ai cru cerner chez certains une peur du changement vécu comme menaçant un capital social, un refus parfois bigot de remise en question d’un idéal utopique, et surtout une fidélité au système qui les a produit. Cette forme de gauchisme petit bourgeois est pathétique. Mais où sont donc passés les intellectuels français ? Si la gauche se replie sur elle même et ne fait plus preuve d’imagination, c’est la droite qui vaincra durablement. L’attitude majoritaire des universitaires face à la réforme Pécresse fut contre productive. S’il faut choisir entre inquisition et contre réforme, je choisirais toujours la contre réforme.
J’ose espérer qu’un audacieux ministre de l’éducation nationale osera un jour, avec vigueur mais dans la concertation, s’attaquer à ces vrais problèmes français.
Bien résumé, bien dit, mais malheureusement ça ne se passera jamais ainsi (néanmoins pas avant 2017 😉 ). Sérieusement ce que vous dites ici est -1xf^(-1) de la tendance actuelle, et c’est parti pour durer….
La tendance actuelle ne me convient pas, précisément. Penser librement me semble sain.