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Franchise universitaire et droit de grève

Université de Paris

La franchise universitaire désigne un statut spécial dont bénéficient les universités françaises. Selon ce statut, les forces de l’ordre ne peuvent pas y intervenir sans l’accord du chef d’établissement, sauf flagrant délit, catastrophe, ou réquisition du parquet. Le chef d’établissement est chargé du maintien de l’ordre dans son université. Ce statut date du Moyen Âge, et figure aujourd’hui dans l’article L712-2 du code de l’éducation.

L’histoire de ce statut spécial remonterait à la grève de 1229 à l’université de Paris. À l’époque, les universités étaient des établissements religieux hérités des écoles monastiques et de cathédrale. L’université de Paris, crée vers 1200, était l’une des plus prestigieuses universités en Europe. Lors du mardi gras de 1229, les fêtes estudiantines ont connu des débordements, qui ont dégénéré. Les tribunaux ecclésiastiques sollicités ont été prudents, mais la régente de France Blanche de Castille, qui était à la tête du royaume pendant la minorité de Saint Louis, demanda à la garde de Paris de punir les fauteurs de trouble. Cela entraîna une répression meurtrière et des bavures. Ces événements tragiques provoquèrent une grève des étudiants et des professeurs, qui s’opposèrent à la reine et à l’évêque de Paris. Cette grève paralysa l’université pendant deux ans. Cela eu pour conséquence le renforcement des universités de Cambridge et d’Oxford, qui accueillirent des étudiants et des professeurs à l’invitation du roi d’Angleterre Henri III Plantagenêt . La grève de 1229 prit fin avec la bulle pontificale Parens scientiarum de 1231 de Grégoire IX, lui-même ancien élève de l’université de Paris, qui consacra l’indépendance de l’université de Paris par rapport au pouvoir temporel : l’évêque de Paris devint seul responsable de l’ordre public à l’université. Ce serait là l’origine de la franchise universitaire que nous connaissons aujourd’hui.

Cette bulle dépasse le sujet du simple maintien de l’ordre, et accorde plusieurs privilèges à l’université de Paris sous forme de libertés. Elle autorise notamment les professeurs à cesser le travail si la limitation des loyers étudiants n’est pas respectée, si un professeur ou un étudiant est blessé ou tué sans que justice soit rendue, et en cas d’arrestation abusive d’étudiants ou de professeurs par le pouvoir laïc. Certains historiens y voient l’origine du droit de grève.

L’université de Paris a ensuite connu, au cours des siècles, assez fréquemment, des grèves et mouvements étudiants associés parfois à la suspension de la franchise universitaire. D’autre part, plusieurs fois dans l’histoire, et notamment le 3 mai 1968, des chefs d’établissements d’universités françaises ont fait appel aux forces de police en raison de troubles estudiantins.

Le comte Raymond VII de Toulouse aurait également profité de la grève de 1229 pour attirer les étudiants et les professeurs dans l’université de Toulouse, qu’il se devait de créer suite au Traité de Paris de 1229 mettant fin à la croisade contre les Albigeois. Il aurait vanté les avantages de Toulouse comme suit : étude des livres d’Aristote interdits à Paris, soleil, et belles femmes !…

Agitation étudiante, répression policière, bavures, grève, fuite des cerveaux, compétition entre établissements à l’échelle nationale et internationale, démagogie, tout cela fait semble-t-il partie de l’université, depuis toujours. Dans le même esprit, on peut aussi lire sur ce blog des extraits du récit de voyage de Thomas Platter (1595-1599).

Sources. Wikipédia et ses nombreuses références au départ (suivre les liens ci-dessus !), puis références ci-dessous. Merci à Max Fathi pour le blog de l’Express ci-dessous qui mentionne notamment le cas de Toulouse. Merci aussi à Michel Ledoux pour la connexion avec mai 68.

Personnel. J’ai écrit ce billet suite au blocage de Paris-Dauphine, le matin du lundi 9 mars 2020, par des étudiants, pour protester contre la réforme des retraites et la loi de programmation pluriannuelle sur la recherche (LPPR). La situation s’est normalisée rapidement et sans heurts. La présidente de l’université n’a pas fait appel aux forces de l’ordre, ni porté plainte.

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